La fin héroïque du premier mousquetaire
au cours du siège de Maestricht

en 1673

Une page historique au temps de LOUIS XIV

Le siège de Maëstricht

Et nous arrivons en ce mois de juin 1673 au siège de Maëstricht ou" va s'achever
glorieusement la carrière de Charles de Batz Castelmore.


Le 4 juin 1673 LOUIS XIV faisait partir Mr de LORGE avec les mousquetaires
pour aller investir MAESTRICHT ;ce devait être le premier grand siège du règne.
LOUIS XIV en était d'ailleurs tellement conscient qu'il avait ordonné à COLBERT de lui envoyer
un peintre car, notait-il "je crois qu'il y aura quelque chose de beau à voir".Cette vieille cité fortifiée
sur la MEUSE,que d'ARTAGNAN connnaissait bien pour y avoir été en expédition quelques années
auparavant, était un carrefour stratégique exceptionnel à cinq lieuesde LIEGE, possession de l'élection de
COLOGNE, mais les HOLLANDAIS s'y étaient établis et l'avaient puissamment protégée.Les remparts - une ancienne muraille flanquée de nombreuses tours de guet- étaient couverts du côté de la campagne par une triple rangée de bastions, d'ouvrages à cornes et à couronnes, chacun constituant un ensemble avancé défendu par une petite garnison. Enfin , comme d'habitude, un chemin de ronde courait en arrière du glacis, sous lequel se trouvait une tranchée couverte. Un peu à l'ecart de la ville , sur une colline, en direction de LIEGE, se dressait le fort de SAINT-PIERRE , gros bastion casematé avec une contrescarpe qui faisait partie du dispositif défensif. MAESTRICHT fut encerclée sur la rive gauche de la MEUSE par l'armée royale et sur l'autre rive par 7 000 hommes détachés du corps de TURENNE.La majeure partie des troupes françaises qui commençaient à faire trembler l'EUROPE se trouvait ainsi rassemblée au pied de la place hollandaise: 26 000 fantassins, 19 000 cavaliers et 58 bouches à feu, une intendance regorgeant de vivres et de munitions permettait de tenir six semaines sans ravitaillement. Il n'en était pas de même dans le camp adverse où rien n'avait été prévu.La ville ne s'attendait pas à cette arrivée massive sous ses murs.La garnison , si l'on fait abstraction des milices bourgeoises de médiocre qualité, ne comptait guère plus de 50 000 hommes à pied et 1 000 cavaliers.Mais le chef de la place était un adversaire acharné de LOUIS XIV, il s'agissait du sieur FARIAUX, baron de MANDE, officier d'origine française, qui avait fait ses preuves dans plusieurs sièges, notamment à VALENCIENNES en 1656, où il avait contribué à la déroute de TURENNE et de LA FERTE. De part et d'autre du fleuve, le corps de pionniers jeta des ponts de bâteaux pour assurer la jonction des corps français.Les détachement de mousquetaires, jusque là séparés, se trouvèrent ainsi rassemblés sous l'autorité de leur chef.Aussitôt des équipes de terrassiers et de soldats s'attelèrent aux pénibles travaux de pelles et de pioches qui précèdent toujours les sièges. A MAESTRICHT, on inaugura la nouvelle tactique , dite des "tranchées parallèles", déjà utilisées par les TURCS et que VAUBAN venait d'adopter. On ouvrait d'abord la tranchée du côté choisi, loin des fortifications, pour éviter, dans ce premier temps, la gêne des tirs ennemis. On construisait ensuite une première ligne de tranchées parallèle aux ouvrages de la place, puis au moyen de boyaux en zigzag, une seconde et une troisième ligne parallèles à la première, de plus en plus proche de la ville.Ainsi parvenait-on sans danger à quelques pas des fortifications ennemies au milieu de glacis. On attaque donc la ville de trois côtés différents.Le premier à droite de la MEUSE,en direction du quartier de VICK,le deuxième à gauche du côté de la porte de BRUXELLES et enfin le troisième vers la porte de TONGRES. Cette porte de TONGRES , centre convergent de l'attaque française , donnait accès direct à la ville , mais elle étéit bien protégée par un ouvrage à cornes ayant entre ses branches une demi-lune et un glacis. Au matin du 18 juin, un violent duel d'artillerie commença, vidant peu à peu tous les parcs à boulets.Un feu d'enfer s'abattit sur la ville .Trente six heures durant , l'air fut déchiré du bruit des explosions et des salves tirées du côté français par 26 batteries.Puis on s'empara du Fort de ST-PIERRE situé entre la MEUSE et la rivière JAAR.Ses canons furent aussitôt retournés contre la place.La possession de ce point stratégique fut capitale dans l'évolution du combat, car le fort dominait la ville.Observant les mouvements des assiégés, nos artilleurs mirent peu de temps à réduire au silence les bouches à feu de FARIAUX. Au cours des travaux de siège plusieurs sorties des ennemis se firent par des chemins couverts et firent des morts et des blessés, notamment parmi les mousquetaires, dont une vingtaine repoussèrent vigoureusement une sortie par la porte de TONGRES.La première de ces sorties se fit par cette porte avec deux escadrons de 150 chevaux chacun qui se jettèrent avec fougue sur un de nos corps de garde avancés qui ne comprenait qu'une vingtaine de mousquetaires du Roy tirés des deux compagnies et commandés par le sieur de PAYGNAN, l'un de leurs maréchaux des logis. Au vu du petit nombre de mousquetaires, les ennemis pensaient en venir facilement à bout, mais ils se trompèrent lourdement car c'était sans compter sur leur extrême vaillance, il y avait parmi eux les sieurs "MAUPERTUIS, enseigne de la première compagnie, LA HOGUETTE, ainsi que le neveu du sieur d'ARTAGNAN - Joseph de MONTESQUIOU d'ARTAGNAN, le cousin du capitaine-lieutenant qui participa au siège de MAESTRICHT sous les ordres de celui-ci.Durant cette tentative de sortie les vingt mousquetaires tuèrent à eux seuls autant d'adversaires et arrivèrent à repousser les autres jusqu'à la contrescarpe et cela malgré le feu continu des canons qui tiraient de la ville; deux d'entre eux tombèrent dont PAYGNAN et deux autres furent blessés. Chaque jour, par roulement, les officiers généraux, chargés des opérations changeaient .Il se trouva qu'à la St-JEAN ,jour fixé pour l'assaut , un anglais, JAMES SCOTT - Duc de MONMOUTH- fils naturel du Roi d'ANGLETERRE, fut lieutenant général "de jour".L'armée comprenait en effet un petit détachement de troupes anglaises, détachement très symbolique d'ailleurs puisqu'il ne comptait qu'une vingtaine de gentlemen dont JOHN CHURCHILL, futur Duc de MALBOROUGH, et une escorte de trente "liveguards". D'ARTAGNAN qui d'après l'ordre de bataille était préposé spécialement à la garde de la personne royale fut adjoint à MONMOUTH comme maréchal de camp.Le soir venu, vers 10 heures, les dix-huit batteries de Mt-St-PIERRE illuminèrent le ciel de leurs feux, tandis que dans la plaine les troupes royales se concentraient en silence. A l'attaque de gauche Monsieur,frère du Roi, commandait avec pour maréchal de camp M. de MONTAL
On ne devait faire qu'une manoeuvre de diversion avec les mousquetaires noirs et le régiment DAUPHIN.A l'attaque principale de TONGRES, où LOUIS XIV vint en personne accompagné de d'ARTAGNAN, se trouvait réunis le régiment de la couronne,celui du Roi commandé par M.de MONTBRON, brigadier d'infanterie, une formation de trois cents grenadiers, une centaine de mousquetaires de la première compagnie et quelques éléments de la seconde."Tout roulait sur M.d'ARTAGNAN, notre commandant si connu et estimé de tout le monde" raconte dans ses mémoires le Comte QUARRE d'ALIGNY.Soudain , aux ordres de leurs chefs, les soldats s'élancèrent et bondirent au bruit du tambour, tous étendards déployés, dans les boyaux et ravins à l'assaut de la demi-lune.Dans un bruit infernal, on se battit pour gagner quelques pouces de terrain.De mémoire de soldat jamais on n'avait entendu un si grand nombre d'explosions.Deux grosses mines et 6000 grenades éclatèrent en quelques minutes.Les HOLLANDAIS résistèrent en lançant des fougasses, des feux goudronnés ou en tirant de longues mousquetades.Mais devant la vigueur de l'attaque ils durent reculer.Les mousquetaires de la première compagnie étaient spécialement chargés de l'assaut de la demi-lune, tandis que ceux de la seconde avaient mission de se porter entre la demi-lune et l'ouvrage à cornes.Le combat fut des plus brillant.Il y a tout lieu de croire que ce fut d'ARTAGNAN qui, sous une pluie de balles, planta fièrement le drapeau fleurdelysé sur le parapet.En moins d'une demi-heure les mousquetaires s'étaient rendus maîtres de la demi-lune ainsi que d'une baraque qui se tenait à droite de l'ouvrage.L'affaire avait certes été rondement menée mais il y avait de sérieuses pertes: 7 ou 8 officiers tués et de nombreux blessés dont M.de MAUPERTUIS ainsi qu'une centaine de soldats."Je fus assez heureux pour n'être pas blessé, raconte d'ALIGNY,non plus que M.d'ARTAGNAN,quoique nous ne nous fussions pas épargnés (ce dont le Roi fut fort content).L'ennemi de son côté avait eu environ 400 prisonniers ou tués dont un lieutenant-colonel. MONMOUTH n'avait ordre que de se maintenir sur le chemin couvert longeant la demi-lune.Il décida cependant de profiter de l'avantage et d'établir un logement dans l'ouvrage et dans la tranchée Ce matin 25 juin ,un soleil radieux se leva sur la plaine.Au milieu des tantes,d'ARTAGNAN admira sous les rayons du jour naissant les clochers de la ville assiégée.A ce moment précis il était loin de se douter de sa mort prochaine...dans quelques heures.MONMOUTH, dans sa belle cuirasse étincelante vint le tirer de sa rêverie. - Monsieur, lui dit-il, il faut envoyer un officier à l'attaque de M.de MONTAL pour savoir en quel état elle se trouve. - Mon Prince, répond-il aussitôt, il faut y envoyer d'ALIGNY,il est l'ami de M.de MONTAL.Ce qui fut fait.D'ALIGNY se rendit à l'attaque de gauche où les choses s'étaient moins bien passées.On y avait perdu peut-être deux cents ou trois cents hommes.Le pauvre MONTAL avoua qu'il avait voulu outrepasser les ordres.Vers huit heures, de retour à son quartier, d'ALIGNY assista à une petite querelle entre l'obstinée MONTBRON et l'atrabilaire d'ARTAGNAN.Le premier soutenait qu'il fallait construire sans plus tarder une barrière en bois le long de la demi-lune et la faire terrasser avant une nouvelle offensive ennemie.Il prétendait que M.de LA FEUILLADE, qui devait remplacer le soir même le duc de MONMOUTH, ne manquerait pas de donner de tels ordres. M.d'ARTAGNAN,qui en savait plus que lui,-écrit d'ALIGNY-,lui répondit : "Nous avons fait le logement de la demi-lune et de la contrescarpe, M.de LA FEUILLADE fera ce soir comme il l'entendra, ne songeons qu'à boire à la santé du Roy". MONTBRON revint à la charge au sujet de la barrière qu'il importait de construire sans délai. - M.de LA FEUILLADE, répèta excédé d'ARTAGNAN, fera ce qu'il jugera à propos lorsqu'il aura le commandement. Si l'on envoie maintenant des hommes, ils seront vus des ennemis.Vous risquez de faire tuer du monde pour rien.D'ailleurs ces préparatifs en plein jour pourraient donner envie aux assiégés de faire une nouvelle sortie qui nous coûterait très cher.MONTBRON s'écria : "Ce qui peut se faire aujourd'hui ne doit pas se remettre à demain".Outré d'une telle résistance, que la moindre contradiction faisait maintenant frémir d'indignation, exhala son courroux et finalement céda : - Eh bien soit ! Composez le détachement, mais encore une fois je crains fort que vous ne vous attiriez une affaire mal à propos! Trois heures après, en effet la palissade était achevée mais un furieux combat faisait rage sur la demi-lune toujours tenue par les HOLLANDAIS. Le maréchal de camp était resté en arrière avec ses mousquetaires, ne voulant pas se mêler de cette opération dont il ne ressentait pas l'utilité. Il prit son repas le plus tranquillement du monde avec ses officiers."sur la fin de notre dîner, raconte encore d'ALIGNY,M.d'ARTAGNAN, qui avait l'oreille à tout,nous dit : - Il me semble que voilà un fourneau qui joue à la demi-lune attaquée, il nous la faut reprendre avant que nos ennemis s'y soient rétablis". L'explosion d'une grosse mine fut le signal de la contre-attaque hollandaise.FARIAUX, l'épée à la main, suivi de plusieurs centaines d'hommes, culbuta les Gardes françaises qui ne purent se maintenir qu'à l'exrêmité de l'ouvrage.Les assiégés, continuant sur leur lancée, tentèrent une sortie en masse du côté de la Rivière JAAR.En quelques assauts bienmenés, tout le travail de la veille se trouva presque totalement anéanti: MM.de LA FEUILLADE et de MONTBRON se trouvèrent de ce côté.En l'absence du Duc de MONMOUTH, qui, comme d'ARTAGNAN, s'était retiré dans la mâtinée, ils ordonnèrent aussitôt aux gardes de déloger les intrus. Mais il semblait par trop évident que les soldats étaient fatigués de leur longue veille et qu'ils n'auraient pas la force de reprendre l'ouvrage perdu.La nécessité de renforts se faisait sentir de manière urgente.MONMOUTH, venu sur ces entrefaites , était de cet avis.Le capitaine des mousquetaires n'était pas "de jour" ce dimanche 25 juin 1673 et il comptait sans doute se reposer des fatigues de la veille. mais lorsqu'il apprit la brusque retraite des gardes, il quitta ses convives et se rendit immédiatement au quartier de M.de MONMOUTH.C'est alors qu'il prit la décision qui allait lui coûter la vie.Voyant le désarroi dans lequel se trouvaient les autres chefs, MONMOUTH,LA FEUILLADE et surtout MONTBRON, en grande partie responsable du désastre, "il se conduisit avec la plus grande bravoure" raconte un Anglais - LORD ALINGTON - : sans ordre du Roi ni de personne, alors que rien ne l'obligeait à reprendre le combat, il envoya une de ses ordonnances au camp de base des mousquetaires afin de rassembler tous les renforts disponibles.Il demanda ensuite que l'on confiât à M.d'ALIGNY trente mousquetaires et 60 grenadiers.- Va attaquer la demi- lune où nous l'avons assailli la nuit dernière, dit-il à celui-ci, tu auras bientôt de mes nouvelles. Pendant que d'ALIGNY se dirigeait vers la pointe de l'ouvrage, d'ARTAGNAN conduisit le reste de ses hommes jusqu'à la fameuse barricade située près de la gorge de la demi-lune. Là le Duc de MONMOUTH vint le rejoindre avec ses "lifeguards".De la barricade à la demi-lune, il y avait un espace qu'il fallait parcourir à découvert.L'endroit était d'autant plus dangereux qu'un seul homme à la fois pouvait franchir la barricade par un étroit passage.L'Anglais jugea qu'on n'avait pas le temps de descendre dans la tranchée pour rejoindre l'ouvrage attaqué.Il voulut faire passer ses hommes par le haut. - A découvert! vous n'y songez-point mon PRINCE ! ce serait une folle imprudence ! nous nous ferons massacrer avant d'avoir atteint notre but, fit d'ARTAGNAN. - Peu importe, nous sommes pressés , répondit le fils de CHARLES II , et il tira son épée, s'apprêtant à s'engager dans le passage.D'ARTAGNAN l'arrêta d'un geste - En ce cas je vous accompagne. Ils franchirent ainsi la barricade dans un formidable élan suivis de leurs hommes au pas de course, les yeux fixés sur l'ouvrage ennemi qui accueillit d'un tonnerre de mitraille.Après quelques minutes de violents combats, la demi-lune fut reprise.Les mousquetaires, raconte PELISSON, donnèrent des preuves d'une valeur extrême; on n'en vit jamais un seul reculer.Il en fut tué un grand nombre et beaucoup restèrent au pied de la tranchée.On comptait les victimes : cinquante officiers tués ou blessés, cent gardes tués, trois cents blessés, dont 60 mousquetaires , les survivants furent saisis de douleur en voyant leur chef étendu au milieu du glacis mordant la poussière; il était reconnaissable à ses armes et près de lui gisait la bannière argentée de la compagnie, toutes les épées faussées et sanglantes jusqu'à la garde des coups qu'ils avaient donnés" .LORD ALINGTON de KILLARD nous dit que "d'ARTAGNAN fut tué d'un coup de feu à la tête, après quoi le Duc (de MONMOUTH) et moi, passâmes près du point où M.O'BRIEN avait reçu un coup de feu à travers les jambes.Les soldats prirent coeur à l'action, le Duc les ramenait deux fois avec grand courage (...) quelques vieux généraux disent que c'est l'action la plus courageuse et la plus mouvementée qu'ils aient jamais vue de leur vie.La vénération des mousquetaires pour leur capitaine était telle que plusieurs d'entre eux s'offrirent spontanément à ramener son corps sous le feu de l'ennemi.Quatre d'entre eux furent tués ou blessés avant que M.de St-LEGER, premier maréchal des logis y parvint.Le Roi LOUIS XIV ne lui donna pas moins de 30 000 LT en récompense de cet acte de courage.D'ARTAGNAN fut unanimement pleuré par la Cour qui lui rendit un hommage sans réserve.


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